« Demain, je ne serai pas là… »
Un oiseau dans la maison 2
Le début d’une nouvelle année civile est l’occasion de deux rendez-vous auxquels il est très difficile de se soustraire : les vœux, et les bonnes résolutions. N’accablons pas les premiers : ils permettent de dire des gentillesses à ceux que nous aimons, et souvent, en nous remettant en contact avec des personnes que nous avons un peu délaissées, d’éviter remords et rancune. Quant aux secondes…
Pour prendre des résolutions, d’ordinaire préférées bonnes, il faut que trois conditions soient réunies : que le moment où on les énonce soit considéré comme un point de départ temporel, que la résolution ait un caractère vertueux censé apporter un mieux à celui qui la prend ou à son entourage, et qu’elle puisse avoir valeur d’engagement, c’est-à-dire des chances réelles d’être respectée durant un délai sous le niveau duquel elle ne mériterait même plus son nom.
En ce qui me concerne, je n’ai constaté l’existence d’aucune de ces conditions.
Je n’ai donc pas pris de bonnes résolutions en ce début du mois de janvier 2019, pas plus qu’en 2018, et pas plus que j’en prendrai en 2020. Pour moi, en effet, le début de l’année civile n’est le début de rien du tout (ou alors seulement celui d’une période enfin allégée du poids des fêtes obligatoires). Scolarisée à trois ans, j’ai quitté les bancs de l’école à soixante, après une vie de labeur au service de l’Education nationale. J’ai donc passé cinquante-sept ans de ma vie à l’école ; une telle expérience vous formate à jamais : pour moi, l’année n’a jamais commencé et ne commencera jamais le 1er janvier, mais seulement dans les premiers jours de septembre, quand la nuit tombe plus tôt, qu’on remplit son cartable de cahiers neufs en se réjouissant de retrouver ses copines, et que les arbres de la cour de récréation se parent des couleurs d’automne. Encore maintenant, à la retraite depuis de longues années, je fais l’emplette chaque mois d’août d’un agenda dit universitaire, qui déroule l’année à partir de septembre.
Ensuite, la vertu, censée caractériser les résolutions dont nous parlons, ne me fait pas rêver. Les bonnes résolutions, avez-vous remarqué, sont rarement drôles : faire du sport, se mettre au régime, être aimable avec les imbéciles qu’on est obligé de côtoyer chaque jour, arrêter de fumer, faire le ménage régulièrement, j’en passe et des pires…Rien que des activités ennuyeuses, voire douloureuses, qui font sans doute du bien une fois terminées, mais beaucoup de mal avant et pendant, et gomment de votre existence ces délicieuses transgressions de la morale commune, et ces défis à la pensée unique, qui font le sel de la vie.
Enfin, franchement, annoncer qu’on va fréquenter une salle de gym deux fois par semaine, ou essayer de comprendre enfin ce qu’est le CAC 40 en lisant les œuvres complètes de Jean-Marc Sylvestre, quand on sait qu’au mieux on commencera en traînant les pieds, au pire on sautera sur le premier prétexte qui nous évitera de le faire, est-ce bien raisonnable ? On annonce qu’on fera, et régulièrement encore, promis, juré, ce qu’on préférerait mourir qu’avoir à faire si on avait vraiment le choix…Mais on a le choix, justement, on a le droit de préférer la littérature à la quantification du monde, on a le droit de ne pas vouloir ressembler à un mannequin anorexique, et de toutes façons on a passé l’âge…La bonne résolution est une insulte à la liberté individuelle, et bien souvent une offense au bon goût ; par ailleurs, de par son caractère pénible et volatile, elle s’apparente au masochisme, à la méthode Coué, ou au slogan incantatoire, ou aux trois à la fois. Je ne suis ni perverse, ni idiote, ni croyante : donc, je n’ai pas pris de bonne résolution pour 2019…
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