« Les
chiens, excités par le familier, couraient et aboyaient devant moi. Mais une
fois en haut du coteau ils se sont arrêtés et tus. Arrivé à leur côté, j’ai vu
un mécanisme en forme de citron, gros comme un hôtel, atterrir silencieusement
sur un coussin de lumière. »
Ou bien :
« Le
cliquetis de ses talons sur le sol du parking était chaque fois le dernier son
de sa journée professionnelle. Elle déverrouilla à distance sa voiture, qui
clignotait à son approche, lorsqu’un homme cagoulé surgit et l’empoigna
brutalement. »
« L’obscur ennemi » utilise
la même amorce classique et éprouvée : l’inattendu qui rompt le quotidien.
Parmi les appels publicitaires qui remplissent l’écran de la femme, un nom se
dégage. Un amoureux sort du passé, et « deux
époques de sa vie venaient de rentrer en collision ». L’homme, banal (« On se fait la bise »),
irritant et surtout étranger, sert à déclencher une réflexion fondamentale sur l’identité :
suis-je moi-même, si ce moi n’est plus le même ? « Une autre, qui
était pourtant elle aussi, l’avait remplacée. »
D’autre part, comme dans tout écrit
qui se respecte, des questions sollicitent l’imagination du lecteur : pas
de raison qu’elle ne bosse pas aussi… Le récit (aurait-il un élément
autobiographique, se demande le lecteur trivial) entre dans la conscience de la
femme, laissant l’homme dehors. Que pense-t-il ?
Sa curiosité éveillée par ce nom inscrit
sur le site, est-il dépité de trouver une femme vieillie, contrôlée, avec des
problèmes de santé ? Ou bien, en ironisant plaisamment sur leurs
coloscopies respectives, sent-il fondre ses intestins à retrouver la rayonnante
et discrète jeune fille devenue femme épanouie et toujours discrète
(c'est-à-dire avec la part de mystère qui invite les initiatives amoureuses) ? Il se souvient d’un ensemble jaune
qu’elle portait. « Ah »
disait-il alors « t’as a mis ta robe
blonde. Embrasse-moi. Je t’aime. » Il l’aime encore, trop tard.
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