En plus des dissertations de routine, nous autres lycéens de la Belfast Royal Academy étions sollicités deux fois par an pour écrire quelque chose de plus personnel. Une sélection de ces travaux paraîtrait dans le magazine bisannuel de l’établissement. A court d’inspiration, nous avions parfois recours à un format humoristique dans lequel une situation qui paraît dramatique ou effroyable a une issue banale. Je me souviens d’un exemple bien troussé où de misérables créatures, apparemment arrivées en Enfer, étaient plongées dans de l’huile bouillante, puis arrachées à ces tourments avec une louche géante, et enfin offertes en sacrifice : « Votre cornet de frites, M’sieur ! »
« Les marchands du temple » contient un écho de ce format : une femme s’aventure, impressionnée, médusée même, dans un local prestigieux. Palais, palace – ou temple, car il y a des « officiants » ? S’agira-t-il de diamants, de secrets d’état, d’extases ? En fait, ce chichi entoure… du café en capsules, auxquelles les marchands veulent donner un parfum de privilège. Pour entrer dans le temple, il faut la foi. Cette cliente est si croyante qu’elle se réjouit d’être « membre » en ayant une carte de « fidélité » (tiens, il faudra analyser ce mot la prochaine fois que le supermarché vous en propose). Pour elle, cette religion la sort du commun des mortels.
Le langage que l’auteur utilisait dans « Nom de Dieu » était à la mesure de ce Dieu étriqué : lourd, sans grâce. Ici, il est publicitaire, luisant comme les appareils déguisés en ostensoirs, estampillé comme un sac. Il reproduit le luxe clinquant qui éblouit la pitoyable héroïne.
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